xav kord a écrit:Yves H a écrit:Je pense surtout que le sens du découpage - qui répond à une sorte de rythme propre - ne s'apprend pas vraiment mais est inné. Ça se travaille évidemment mais si on n'a pas ce rythme en soi au départ, on ne pourra pas l'acquérir. En gros, on nait raconteur d'histoires, on le porte en soi dès la naissance. 
Alors là, sauf ton respect, Ouebmaestro, je m'inscris en faux à cette assertion. Le coup du gène du sens du découpage, ou du coup de crayon, voire même celui du talent, je n'y crois pas une seule seconde (et à ce jour et pour ce que j'en sache, les connaissances des généticiens semblent me donner raison).
Mouais, ça signifierait donc que Gir beaucoup travaille plus que --- (non, je ne citerai pas de nom !). Allons, cher xav, bien sûr que le talent, ça existe. Comment expliques-tu que les tâcherons s'échineront pendant des décennies à produire un dessin qui tienne un peu la route alors que Gir - oui, je sais, toujours lui !
- te pond le même, et même meilleur, en trois secondes ? Non, je crois au talent. Sans doute qu'il n'y a pas de gène à proprement parler. Mais il y a une prédisposition qui se traduit par un goût pour la chose. Un goût qui te pousse à t'y investir corps et âme. Car non seulement tu aimes "ça" mais tu t'y sens bien, tu sens que là se trouve ta place, que tu es "chez toi" dans cette discipline. Alors, nomme cela prédisposition plutôt que talent si ça te chante mais il ne faut pas venir me dire que Mozart doit son œuvre à son seul travail.
xav kord a écrit:Je crois fermement au travail, ainsi qu'au travail, et, dans une moindre mesure, au travail. J'entends par travail un processus très vaste, qui va bien au-delà des passages obligés que sont tous les exercices dits académiques (dessins d'après nature, maîtrise des différents outils, techniques, supports, connaissance de la perspective conique, j'en passe...), un processus qui consiste à "recycler", à mémoriser, à faire son miel de tout un tas de trucs qui permettront de progresser, pas toujours de la façon dont on l'imagine.
Alors là, je suis d'accord. Comme disait ce bon vieux Brassens, sans technique un don n'est qu'une sale manie. Et la maîtrise technique ne s'acquiert que par le travail. Là, on se rejoint. Mais sans don, le travail ne suffit pas. Triste vérité pour tous ceux qui se rêvent artistes sans en avoir le talent (ou la prédisposition).
xav kord a écrit:Hermann (au hasard, on pourrait prendre un autre créateur
)dit lui-même lire très peu de bédé, et effectivement, on ne peut le classer dans aucune école ou style ; il reconnaît avoir à une époque regardé ce que faisait Gir, mais pas trop : c'est manifestement un dessinateur qui n'a jamais été réellement influencé par un de ses collègues.
En revanche, ce n'est pas un grand cinéphile pour rien. Je n'ai pas de données statistiques à ce sujet, mais je suis bien sûr qu'il possède une vaste culture cinématographique. J'entends par là qu'il a vu de nombreux films, bien sûr, mais aussi qu'il les a aimés, observés, analysés, compris, digérés.
Donc, selon ma "théorie", quand Hermann va au ciné, il bosse : d'une manière ou d'une autre, ce qu'il a vu sur l'écran se retrouvera dans un album.
Oui, mais il a du talent. Un talent qui lui a été donné à la naissance : personne dans sa famille ne dessinait (ou si peu), personne ne l'a formé ni guidé dans sa prime jeunesse. Or, ce qu'il dessinait à l'époque prouve qu'il avait déjà de la patte. Bien sûr, il avait - et a toujours - un don d'observation au-dessus de la moyenne, une capacité à synthétiser ce qu'il voit, à s'imprégner d'une ambiance. Mais sans le talent pour le traduire sur papier, c'est peine perdue. Et je suis persuadé que c'est son talent - sa prédisposition - qui lui a donné le goût de persévérer dans cette direction. Car il obtenait un résultat graphique qui dépassait ce que le commun des mortels est capable à son âge de sortir d'un crayon ou d'une plume. Moi, j'appelle ça le talent.
xav kord a écrit:J'ai pris l'exemple du cinéma parce que c'est très facile de faire le lien, mais je suis persuadé qu'il "travaille" de la même façon dans une foultitude de situations quotidiennes.
Je suis tout à fait d'accord sur ce point.
xav kord a écrit:Bien évidemment, je crois que ce principe s'applique à toutes les activités dites créatrices ; ce qui est hors normes et qui différencie les artistes/artisans talentueux des autres, c'est cette aptitude à "recycler" ce qu'ils vivent dans leurs productions, aptitude plus aiguisée car ils sont comme par hasard plus motivés et plus rigoureux que les autres. Mais ça, je pense que ça s'explique plus par la psychologie que par la génétique...
Moi, c'est ce que j'appelle le talent. Car l'aptitude dont tu parles est innée. Elle n'est pas la résultante de ses aptitudes mais la cause.
xav kord a écrit:Je concède un point qui semble revenir à l'inné dans le cas d'un dessinateur : une mémoire visuelle efficiente, associée à une très bon repérage spatial...
...et temporel qui permet de (dé)structurer le réel à des fins narratives. Ceci relevant de la partie écriture du scénario. Lequel scénario est précisément l'art de décomposer la structure spatiotemporelle pour la recomposer ensuite selon un ordre propre au récit.
Je suis donc en partie d'accord avec toi. Mais en partie seulement car, au-delà des vertus d'un travail inlassable, il y a un élément trouble, non paramétrable, magique oserais-je dire, dans le processus de création qui ne relève d'aucune méthode, d'aucun apprentissage, et qui donne à celui qui le possède le don de transformer le fruit de son travail en œuvre, voire en chef d'œuvre. Cet élément est scientifiquement impossible à identifier et donc à vérifier mais, aussi invisible soit-il, il existe. Et c'est précisément ça qu'on appelle le talent.